A Eulogy For The Damned

Que vous le pensiez ou non, que vous le pratiquiez à la lettre dans votre vie quotidienne ou que la maxime vous fasse juste sourire, vous avez tous entendu ou lu à un moment donné que le metal c’est un style de vie, un engagement sur le long terme, presque un sacerdoce. Si certains groupes semblent faire peu de cas de cette phrase qui veut tout et rien dire à la fois, Orange Goblin met beaucoup d’ardeur à défendre « la musique le plus excitante du monde » depuis plus de 15 ans. Et quoi de mieux qu’un doom/stoner un peu psyché pour le faire dans la bonne humeur ?  

Les anglais, qui arpentent donc les scènes depuis 1997, viennent tout juste de sortir leur septième album. A Eulogy For The Damned fait suite, après cinq ans d’attente, à Healing Through Fire. Si le quatuor, influencé par une flopée de groupes divers allant de Black Sabbath,  à Motörhead en passant par Celtic Frost, a pris son temps, c’est qu’il a voulu peaufiner son opus. Lui donner cette saveur spéciale, comme un mélange de vieux riffs qui ont fait leurs preuves et d’un son plus moderne.  De toute façon, on ne peut pas être sponsorisé par Jägermeister et pondre des chansons à la vitesse de la lumière. Il faut savoir choisir que diable !

Grand bien en a pris à Orange Goblin puisque ce A Eulogy For The Damned est de très bonne facture. On retrouve sur ce disque toute la chaleur et les couleurs d’un disque de stoner/doom digne de ce nom. Ainsi, l’opus commence avec l’accrocheur single « Red Tide Rising » qui débranche directement tout lien avec la réalité et propulse l’auditeur dans une ambiance enjouée, presque fanfaronne qui ne le quittera pas de tout l’album.  A Eulogy For The Damned ronronne comme un moteur bien huilé et sonne comme s’il tournait en permanence dans un jukebox un peu poussiéreux d’un bar déglingué.

Les anglais cultivent une image décalée et tournent en dérision leur propre univers. Que les paroles soient un peu bizarres, que les extraits sonores soient des odes à un style de vie décomplexé, que les mélodies soient psychédéliques à souhait, Orange Goblin trouve toujours un moyen de proposer des morceaux qui restent en tête et qui font honneur à leurs musiciens. Dans  « Acid Trial » , les lignes musicales dominent et les riffs se taillent la part du lion avec leurs rythmes chamarrés. De la même manière, « The Fog » groove juste comme il faut et « The Filthy and the Few » donne envie de hocher la tête en cadence.

Une chose est sûre personne chez Orange Goblin n’est manchot ou incapable. Musicalement, l’album regorge de petites pépites à savourer. « A Eulogy For The Damned » se déguste comme une friandise et on regrette presque le chant qui s’immisce dans ce bel ensemble.  On retrouve aussi des soli en retenue mais qui savent faire passer leurs messages (« The Bishops Wolf ») et des riffs chaleureux (« Red Tide Rising », « Acid Trial »). On est trimballé de titres qui retiennent l’attention en morceaux puissants qui sans être tape-à-l’œil séduisent par leur grande maîtrise.

Le chant est également impeccable. Jon Hoare abat un travail de titan avec sa voix qui semble indomptable et toujours à la limite de la rupture mais qui donne son côté très sauvage aux chansons. Même si les lignes vocales semblent en retrait par rapport aux instruments, le chanteur d’Orange Goblin captive avec ses refrains toujours justes (« Stand For Something », « Save Me From Myself », et « Death of Aquarius » pour ne citer que celles-là) et sa nonchalance qui colle tellement bien avec le reste.  

« Stand for Something », « Red Tide Rising » et « Death of Aquarius » constituent les points centraux de cet album qui reste fidèle à lui-même de la première à la dernière note. Peu de variations donc mais A Eulogy For The Damned sait privilégier la cohérence. « Return to Mars » est un peu courte mais finalement, Orange Goblin a su trouver la bonne longueur et du coup leur nouveau disque est équilibré et ne souffre pas de morceaux obsolètes ou inégaux.

Aller à un concert de Orange Goblin, c’est soi-disant la garantie de s’éclater. En attendant de juger sur pièce, au Hellfest ou ailleurs, je peux vous dire qu’au moins écouter un album d’Orange Goblin c’est la certitude de passer un bon moment  Alors, que vous soyez de Vénus, en visite depuis Asgard ou, plus logiquement, de notre plancher des vaches bien terrestres, ne vous privez pas de ce plaisir et entrez sans peur dans l’univers enfumé et, de leur propre aveu, alcoolisé des anglais. Vous n’avez rien à perdre. Il y a de la place pour tout le monde et la musique est de qualité. Il est possible qu’en revenant le monde vous semble différent. Peut-être un peu plus orangé. Et, très honnêtement, ce n’est pas plus mal.

Nola