Cornélia...

Un nouveau groupe français de Metal symphonique mené par une chanteuse, voilà une annonce qui pourrait faire fuir plus d'un sceptique ! Non pas que le genre "female-fronted" soit devenu infréquentable, mais avouons que la pléthore de formations engouffrées dans cette voie ces dernières années nous a donné le meilleur comme le pire. Quant aux productions hexagonales, toutes ne bénéficient pas d'un son miraculeux et certaines se voient même accompagnées de ce fameux accent "inegliche" très franchouillard.


Alors dissipons alors d'entrée tout malentendu. Oui, Sainte Ombre est français et oui, le groupe possède une chanteuse. Mais arrêtons là les a priori. Sainte Ombre c'est surtout une vraie personnalité, un professionnalisme évident, et une Voix avec un grand V ! Et pour vous en convaincre, jetez donc une oreille sur ce « Cornélia... ». Nul besoin d'attendre bien longtemps, car dès le titre d'ouverture, « La Belle Ou La Bête », le groupe abat nous dévoile ses atouts.

L'introduction, symphonique à souhait, nous montre d'emblée le soin apporté à la production. Les orchestrations délivrent une ambiance qu'on qualifierait sans mal de "cinématographique" de l'autre côté des Alpes. Une impression qui se retrouve régulièrement le long de l’album et qui rappelle les interludes philharmoniques signées Kamelot, Rhapsody ou Aina. Une parenté que l'on retrouve d'ailleurs derrière les consoles, puisque le mastering a été effectué par un certain Miro Rodenberg.

La musique des français est résolument axée sur le Heavy. Les guitares envoient des riffs lourds et tranchants, avec une fibre résolument Rock (« Par le Sang »). Elles ne se voient pas reléguées au second plan, derrière les orchestrations, comme c'est, hélas, parfois le cas ailleurs. Les soli sont également de la partie et judicieusement placés, sans étalage superflu. Quant à la section rythmique, elle accompagne parfaitement les différentes atmosphères développées sur l'album, que ce soit les passages les plus aériens comme les moments de furie avec ses cavalcades de "double pédale". La basse, de son côté, "claque" comme on aime (« Maléfices ») et se fend même de quelques soli bienvenus (« Keïko »). Cette approche résolument "Heavy" permet à Sainte Ombre de se démarquer de nombre de ses congénères, traditionnellement plus orientés "Gothique". Ce qui n'empêche pas le groupe de lorgner également sur cette scène de temps à autres : « Le Monde Selon Cornélia De Beaujoy », par exemple, n'est pas sans évoquer les premiers morceaux d'Epica par son écriture complexe et théâtrale.

Il est plaisant de constater que la dimension symphonique ne prend pas le pas sur le reste de la musique, permettant alors un équilibre judicieux. Équilibre que l'on retrouve dans le mix, qui donne à chaque instrument la place qui lui revient. Souvent utilisé comme cache-misère, les parties "symphoniques" accompagnent ici réellement la musique et l'aspect Metal n'est pas occulté.

Indéniablement l'un des atouts du groupe, Céline possède une voix chaude, puissante et toujours juste. N'évoluant pas dans un registre lyrique (à l'exception d'un passage), mais clairement Rock, son timbre participe à l'originalité et à la personnalité du groupe. Capable de moduler son chant pour coller à l'ambiance du morceau, sa performance sur « Cornélia... » est en tout point remarquable et mérite d'être saluée. On citera également la présence d'un duo sur le titre « Par le Sang » avec Nicolas Blaizeau (E.X.I.T. / Kerozen) dont la complémentarité apporte une diversité et une dynamique bienvenues.

Le choix de s'exprimer en français, autre originalité du combo, est courageux, car il ne pardonne pas les imperfections ou les approximations. Autant des textes "bateaux" passent en anglais, autant le sujet doit être parfaitement maîtrisé dans la langue de Molière. Et de ce point de vue, le groupe s'en sort avec brio, le travail sur les paroles étant remarquable. Il faut préciser que nous avons à faire ici à un concept-album centré autour du personnage de Cornélia. Un personnage mystérieux, en prise avec ses tourments, et dont le personnalité se dévoile au fur et à mesure de l'écoute. Si vous souhaitez connaître le fin mot de l’histoire, vous savez ce qu'il vous reste à faire...


Avec son second album, qui voit le groupe progresser à tous les niveaux, Sainte Ombre monte d'un cran dans la hiérarchie. Les arguments développés sur « Cornélia... » sont convaincants : la musique est soignée, réfléchie, puissante et variée, baignant dans un univers qui lui est propre. Toutes les conditions sont donc réunies pour permettre au groupe de se faire un nom et de se défendre face à la concurrence (notamment étrangère). Sainte Ombre a les bonnes cartes en main, souhaitons qu'il remporte la mise !