Demons & Wizards

Il est cinq heures du matin quelque part sur les routes et Jon Schaffer, guitariste patriote de Iced Earth dort à point fermé. Il rêve Jon, de beaux rêves comme on aimerai en faire chaque nuit, en l’occurrence il rêve d’étoiles et de champs de batailles glorieux, mais pourtant quelque chose agite sa narine, Jon est troublé!
Il se réveille en sursaut, l’inspiration le démange… « Il me faut un side-project » Se dit-il en lui-même! « Le problème c’est que j’ai envie de jouer du Iced Earth dans ce side-project, c’est contrariant… A la limite de ferais mieux de réveiller Barlow tout de suite, et on repart en studio pour un nouvel album! »
Il se prépare à mettre son plan machiavélique à exécution, quand tout à coup il se ravise. « Il me faut quelque chose de neuf » se dit-il non sans bon sens. « Quel est l’homme qui peut encore me sauver? Hansi bien sur!!! Et puis avec le décalage horaire je risque pas de le déranger. » Demons & Wizards et née.

Demons & Wizards est avant tout un projet du poilu américain, mais l’arrivée d’Hansi est certainement l’élément déclencheur qui va transformer cette vague idée en formation référence, grâce notamment à la personnalité propre et au timbre unique de ce grand monsieur, dont la réputation sur la scène Metal n’est plus a faire. Les deux hommes sont à ce moment au plus fort de leur carrière artistique respective, Jon sort à peine de l’immense Something Wicked This Way Comes album référence de la discographie de la terre glacée. Quant à Hansi il vient juste de produire le plus remarquable album de Heavy du millénaire, sous la forme de l’immense Nightfall In Middle Earth dont l’éloge n’est plus à faire. Autant dire qu’on peut imaginer pire situation de départ.
Demons & Wizards tente de faire la synthèse de ces deux succès, pour en tirer le meilleur. Cependant la collaboration des deux hommes n’est pas simple, la faute à un agenda très chargé des deux côtés, une indisponibilité commune qui empêchera le brainstorming nécessaire à la construction d’un monument comme celui auquel la plupart des fans s’attendaient. Ainsi faute d’être miraculeux l’album sera juste excellent.

Une intro originale, sous la forme de choeurs grégoriens, qui aboutit sur un déferlement de riffs à la «Burning Times», c’est parti pour la puissante «Heaven Denies» et son refrain d’anthologie, avec un Hansi Kürsch des très grands jours, et qui (première surprise) s’achève sur une outro de grande classe, avec une mélodie de basse appuyant un Hansi au chant éthéré. Une petite merveille de composition pour la première baffe de l’album, il y en aura d’autre. Parmi les morceaux Heavy aux influences Iced Earth, je citerai les simples et efficaces «Poor Man's Crusade» et «Blood On My Hands», des titres références dans le genre, et c’est tellement un plaisir de voir Hansi exprimer sa rage dans ce registre puissant et rageur que tout grand fan de Heavy se doit d’être aux anges.

Une bonne partie des chansons de ce disque éponyme sont toutefois loin d’êtres faciles à appréhender, et l’écoute m’a plus d’une fois rebuté, d’autant que l’ambiance sombre du disque (les textes de «The Whistler» ou «My Last Sunrise» n’encouragent pas vraiment à la franche rigolade) est en grande contradiction avec ce à quoi Jon et Hansi m’avaient habitué jusque là. Mais l’impatience est à remiser au placard si l’on veut saisir toute la complexité de morceaux tels que «My Last Sunrise», «Winter Of Souls», «Path Of Glory» (un final qui offre à Hansi un de ses meilleurs moments) ou encore «The Whistler» qui est sans doute le titre le plus sombre et le plus dur à appréhender, mais le résultat est à la hauteur de l’effort.

On retiendra surtout les titres accrocheurs qui sont peut êtres un peu rares sur ce disque, ceux qui rendent l’écoute plus aisée, et qui permettent en quelque sorte d’introduire les autres, parmi eux la ballade «Fiddler On The Green» tire son épingle du jeux et représente peut être le meilleur titre de l’album (Jon assure comme un fou dans ce domaine, il en fait une nouvelle fois la démonstration). La palme est décernée à la doublette «Tear Down The Wall»/«Gallows Pole» qui représente selon moi l’apogée de ce grand moment de Heavy/Power Metal. Difficile de trouver mieux dans le genre que la splendide chevauchée de guitare suivant le refrain de «Gallows Pole» ou cette incroyable montée en puissance de «Tear Down The Wall», un arpège lent, qui s’accélère, avant d’enchaîner sur un refrain qui prend au tripes et qui laisse littéralement sur le carreau. Je découvre ici un Hansi Kürsch que je n’avais jamais entendu aussi remonté, et c’est tout simplement merveilleux.

Malgré un certain nombre de titres difficiles d’accès, le résultat est vraiment réussi, l’association de ces deux géants de la scène Heavy a fonctionné et Demons & Wizards s’impose comme une des formations phares du genre. Elle portera sûrement à l’avenir les marques de l’évolution de ses deux compositeurs, pour le meilleur comme pour le pire. Mais en tout cas, dans la configuration sombre et désespérée qui englobe cet album éponyme, c’est une très grande réussite.

SMAUG...