Global Warning

Prologue : Les murmures et les rires éparpillés se taisent peu à peu au fur et à mesure que les lumières s’estompent pour finalement mourir. Chacun a rejoint sa place lorsque les coups de bâton retentissent. Bienvenus amis lecteurs, nous partons aujourd’hui au théâtre avec le maître saltimbanque Jon Oliva qui s’est échappé de sa troupe d’origine, les glorieux Savatage, inoubliables funambules musicaux du Gutter Ballet pour se lancer dans un monologue dont le troisième volet va vous être présenté. Après un Tage Mahal inspiré et efficace en 2004, l’artiste avait déçu avec un très alambiqué et poussif Maniacal Renderings (2006). Quelle prestation nous réserve-t-il ce soir ? Le programme annonce une pièce ambitieuse mystérieusement intitulée Global Warning.

Acte I : mémoires d’outre tombe
Global warning puise ses racines dans des tonalités pessimistes et alarmistes qui se teintent d’une nostalgie plus ou moins appuyée à l’ancienne formation cultissime du chanteur. L’avertissement – somation des premiers titres sur l’état du monde se teinte d’une profondeur sombre tant les liens avec l’au delà sont foisonnants dans cette œuvre très personnelle.
Chœurs fantomatiques, requiem à la mémoire de son producteur historique, Greg Marchak, décédé pendant l’enregistrement et auquel est dédié O to G, et riffs de l’au delà (Jon a avoué que 6 titres de cet album, comme certains du précédent d’ailleurs, sont fondés sur les idées de son défunt frère) imposent une certaine majesté à des morceaux noirs ou désenchantés comme Open your eyes , sublime ballade plaintive.
Cependant, cette connexion avec l’autre monde n’est jamais oppressante, une certaine luminosité égaye même les passages les plus tristes. Nous avons affaire à un hommage plus qu’à une contrition et l’orientation est résolument Heavy métal. Les soli sont ainsi trépidants, et je ne peux passer sous silence les monstrueux mouvements d’ Adding the cost et de The ride. Le nouveau guitariste Matt Laporte apporte vraiment sa qualité technique et sa palette remarquable de riffs velus dans un esprit année 70 qui sied bien à l’ensemble.. Le discours s’est néanmoins corsé par rapport à Maniacal Renderings et les titres tels que Stories, You never know mais surtout Before I Hang et Adding the Cost sont vraiment magnifiques, des compositions pleines d’émotions sans décélérer le tempo.

Acte II The Queen at the opéra
Global Warning est aussi une oeuvre très théâtrale (très savatagienne finalement), une sorte de Rocky Horror picture show (the ride) ou de Phantom of the opera. Jon Oliva sait vraiment transporter ses auditeurs dans une ambiance très années 1970, passéiste et poétique.
L’influence de Queen se matérialise dans ces pianos sautillants et omniprésents (c’est l’instrument de prédilection de Jon Oliva), et ces ambiances vintages ou encore ces chœurs sur le refrain de the Ride (qui a un petit air de ressemblance avec Bohemian rhapsody).
Cependant quand l’intensité retombe, quand la magie quitte Jon Oliva sur certains titres, on retrouve des morceaux très moyens et longuets comme sur Someone Souls et walk upon the water. C’est dommage car l’auteur a véritablement essayé d’apporter des variations à sa musique, notamment avec ce Master presque métal indus (batterie mécanique, sons robotiques) et des titres très contrastés comme sur le déchirant Firefly. Cet effort est assez remarquable même s’il convient de signaler que l’atmosphère générale du disque renvoie invariablement vers….Savatage.

Acte III: The Mountain’s king
Le chant est ainsi le fil conducteur de cet opéra musical. L’intensité et l’engagement de Jon Oliva dans ses vocaux fait littéralement oublier qu’il monopolise les parties chantées sur ce disque qui multiplie les atmosphères. Tour à tour enragé sur Before I Hang, vindicatif sur The Ride, déformant sa voix sur Master, ses déclamations prennent la forme d’une magnifique confession d’un artiste iconoclaste sur ses états d’âme et ses inquiétudes.
Il nous fournit encore une prestation magnifique, définitivement un grand Monsieur.

Epilogue : Histoire sans fin
Non Savatage n’est pas mort. Tant que Jon Oliva saura nous délivrer de tels albums, son héritage sera bien défendu. Ce disque est un grand moment d’émotion mais Savatage en a déjà produit de plus grands (les quelques failles relatives du disque pèsent lourd tant cet album est vibrant dans son ensemble). Cependant, Global Warning efface ainsi ses prédécesseurs avec classe et doit être considéré comme l’une des meilleures réalisations du Mountain’s King.