Insomnium - Anno 1696
Une plongée inoubliable dans un autre monde. 9/10
Death mélo, Février 2023
Un nouvel album d’Insomnium, c’est avant tout une invitation au voyage. Un voyage dans le grand Nord, un voyage où le calme côtoie la tempête, où les grands espaces pacifiques se voient soudain frappés par le blizzard. Un voyage qui nous berce, nous emporte loin, très loin, l’espace de 45 minutes.
Je ne vais pas y aller par 4 chemins : cet album est magnifique.
Pour celles et ceux qui n’ont pas encore écouté 25 fois tous les albums du groupe, dépêchez-vous de le faire, Insomnium c’est du death mélodique assez atmosphérique, LA référence dans leur style. Après un EP acoustique très beau mais forcément un peu trop calme, le groupe revient avec un album bien lourd, probablement plus que leur dernier disque Heart like a Grave, superbe lui aussi d’ailleurs.
Et ce nouvel effort est parfaitement dans la veine de ce que le groupe sait faire depuis le début. Je le disais en introduction, les albums d’Insomnium font voyager. En effet, les compositions mêlent à merveille une rythmique lourde typée death à des mélodies aériennes, célestes, très caractéristiques dans le mix du son. Ce mélange, savamment dosé, apporte une dimension atmosphérique très puissante. Pour accompagner les compos, la construction des pistes allie souvent des passages calmes à des avalanches de double grosse caisse, toujours surmontées de ces mélodies qui sont l’identité de la musique du groupe. Pour exemple, il suffit par exemple de prendre la première piste Anno 1696, dont l’intro tranquille est brutalement suivie par un déluge rythmique et mélodique, qui s’arrêtera lui-même en cours de morceau pour laisser place à une ambiance à nouveau calme.
En parlant des ambiances, voilà aussi un aspect majeur de la musique d’Insomnium. La composition des morceaux donne le sentiment d’être perdu dans de vastes espaces enneigés, où chaque son a une importance capitale, où les éléments règnent en maîtres. On pourrait presque sentir le froid engourdir nos mains, le vent nous arracher un frisson ou bien la neige craquer sous nos pieds tant les mélodies sont précises, travaillées et justes. Même les parties rythmiques des morceaux sont mélodiques, ce qui renforce cette impression de se trouver au milieu d’un paysage fragile, immaculé, mais en même temps d’une puissance colossale. Au milieu de cet espace imaginaire, un sentiment se dégage, celui du chagrin, de la mélancolie, de la douleur déchirante transcrits par la musique. Car cet espace a une histoire, il porte les stigmates d’un épisode terrible, celui de la grande famine finlandaise de l’an 1696, contée dans cet album.
En ajoutant à cela la voix du chanteur, à la fois puissante et râpeuse généralement, mais parfois suave et précise lorsque c’est nécessaire, vous obtenez une majestueuse harmonie qui n’a de cesse de vous transporter, de vous surprendre, de vous émerveiller, de vous émouvoir.
Enfin, un dernier mot sur la participation de 2 chanteurs invités sur l’album. White Christ voit ainsi la participation du chanteur de Rotting Christ, Sakis Tolis, tandis que les chœurs féminins de Johanna Kurkela viennent enrichir Godforsaken. Ces duos apportent une diversité supplémentaire tout en montrant une belle intégration de ces voix sur des compositions typiquement Insomnium.
La dualité musicale calme/pas calme, les ambiances qui s’en dégagent, la portée historique des paroles, font d’Anno 1696 un album unique, une formidable réussite. Insomnium montre ici qu’il est toujours au sommet de son art et maîtrise à la perfection ce style pourtant si complexe lorsqu’on veut atteindre la qualité d’Anno 1696. Sans tout de même égaler le chef d’œuvre Shadows of the Dying Sun, paru en 2014, Anno 1696 s’impose comme un jalon important dans l’histoire du death mélodique atmosphérique.
En résumé : la neige fond, les montagnes s’estompent, les arbres s’effacent… C’est la fin de l’album. On en reprendrait bien une dose non ?