At The Gates , groupe suédois né en 1990 , reste peu connu des auditeurs et fans de Death Metal mélodique , et pourtant il en est très certainement l’un des initiateurs . N’y allons pas par quatre chemins , l’album dont il est question ici est tout simplement une bombe . Slaughter of the Soul est un album violent , aux rythmiques plombées , aux mélodies discrètes mais prégnantes . Le son du quintette est très lourd , parfois oppressant : At The Gates mise sur des parties de guitare techniques propres au Death , couplées à un chant hurlé , haineux et empreint de douleur . Le ton est donné d’entrée par « Blinded by Fear » , mais des titres comme « Cold » , « Suicide Nation » ou encore « World of Lies » sont aussi géniaux , et dépeignent bien ce qu’est At The Gates : Death , violent , saturé par la colère , la haine et le chagrin .
Un état d’esprit qui a tout de même l’avantage de rendre la musique vraiment profonde , poignante , « couillue » et expressive . Expressif , Slaughter of the Soul l’est comme une œuvre d’art . Succédant à la colère et à l’indignation , de brefs passages de lucidité , de désespoir et de mélancolie sont illustrés par des breaks auxquels succèdent de brefs passages d’instru soft et charmante , comme sur « Cold » et « Under a Serpent Sun » . Un titre instrumental comme « Into the Dead Sky » conforte l’auditeur dans un état vaporeux et mélancolique , l’incitant avec succès à planer dans le ciel mort aux teintes rouge sang et aux effluves aigres , le ciel d’At The Gates .
Et la mélodie , où est-elle ? A cette question , je répondrai simplement : « At The Gates ne fait pas du In Flames » . Pas de mélodies tapes à l’œil ( ou plutôt à l’oreille ) déballées sans modération . Chez At The Gates , la mélodie est beaucoup plus subtile , intelligemment camouflée … mais pas moins prégnante [ Parenthèse : loin de moi l’idée de dénigrer In Flames , groupe auquel je voue par ailleurs un respect total et une admiration de fan , que ce soit entendu . ] . « Et comment diable font-ils pour donner à leur musique une telle impression de profondeur ? » , demanderez-vous ensuite . La composition , bien entendu . L’interprétation , aussi , avec des musiciens très professionnels et talentueux . Mais le fond , surtout . le fond .
Les thèmes d’inspiration d’At The Gates sont loin d’être anodins ou « bateau » . Le quintette plonge dans une source d’inspiration aux sujets complexes et profonds , tels que l’aliénation sociale , le suicide et la dépression , les conflits socio-politiques , le sentiment anti-religieux , l’absurdité de l’existence moderne dans une société capitaliste et sans humanisme ainsi que la mentalité américaine . D’où une musique expressive , imbibée de haine et de rancœur . L’artwork représente par ailleurs plutôt brillamment cet esprit et cette musique , puisqu’il s’agit d’une icône , celle de Jésus en l’occurrence , posée là au centre , délavée et grignotée de toute part par des armes , des munitions et divers plans balistiques . En une image , la sacro-sainte devise américaine aux relents « cow-boys » , les «Three G’s » : « God , Guns and Guts » ( Dieu , les armes et les tripes ) .
A noter pour l’anecdote que c’est Andy La Roque de King Diamond qui effectue le solo sur le titre « Slaughter of the Soul » . Avec ce Massacre de l’Ame , At The Gates marque de son sceau ce qui sera la « NWOSDM » ( New Wave of Swedish Death Metal ) et en pose l’indiscutable et inimitable Pierre de Rosette . Une œuvre sujette à controverse , dans un monde du Death des années 90 qui ne voit pas d’un bon œil cette nouvelle tendance mélodique ; une œuvre qui sera également la dernière du groupe : éreinté par les tournées Slaughter of the Soul , le quintette suédois se résoudra à mettre fin à une aventure qui s’annonçait pourtant prometteuse … At The Gates laisse néanmoins un héritage riche et conséquent au Death Metal mélodique . Un héritage que vous vous devez de connaître et d’honorer , et un excellent album que vous vous devez de posséder .
KreVett