Samael est un groupe au parcours original et intéressant qui mérite d'être conté (la belle histoire de l'oncle Gounouman !! :)).
C'est en 1987 en Suisse que Samael voit le jour sous l'impulsion de Vorphalack (chant + guitare), Xytras (batterie + clavier) et du bassiste Masmiseim.
Influencé par la première génération de groupes Black tels que Venom ou Celtic Frost, Samael deviendra le précurseur du Black Atmo moderne, avant de prendre une direction plus industrielle, mais toujours ultra-mélodique.
Dès 1988, la formation suisse signe une démo puis enchaîne sur un EP auto-produit, Medieval Prophecy, au contenu extrêmement cru.
En effet, à l'époque, les deux frangins Vorphalack et Xytras, n'hésitaient pas à mettre en avant leurs opinions satanistes et leur volonté de faire un maximum de bruit. En bref, sur ces premiers opus ("Blood ritual", incontournable méconnu du Black, puis plus tard "Ceremony of opposites"), Samael (nom d'un démon) multiplie les ambiances terriblement malsaines, et crache sa haine et son dégoût sur tout ce qui l'entoure. Personnellement, je trouve leur premier véritable opus, "Worship him", totalement inaudible.:( Car si l'on décèle déjà un fort potentiel, la production est très crade, le chant encore approximatif, mais surtout les paroles et les ambiances sont tellement malsaines… En bref, je déconseille (mais cela n'engage que moi :D) pour de nombreuses raisons la première période du groupe.
Mais même si les paroles sont toujours primitives, bestiales et très largement condamnables, on remarque que musiques et ambiances évoluent au cours des albums. Et l'album "Ceremony of opposites" (avec son horrible pochette !) et le très malsain Ep "Rebellion", musicalement tout du moins, préparaient déjà l'arrivée du majestueux Passage. En effet, les ambiances aux claviers développées par Xytras se font plus recherchées, le son de guitare prend de l'ampleur, les deux autres musiciens se montrent de plus en plus performants… Mais même si tout cela est encourageant, connaissant les premiers opus du groupe, jamais je n'aurais pu deviner que ce groupe aller rentrer dans mes groupes préférés grâce à leurs albums suivants !!!
96 constitue l'arrivée à la maturité de Samael. Même si la production, pourtant assurée par l’excellent Waldemar Sorychta (spécialiste des albums sublimes et sombres aux atmosphères mystiques « Sin » de Moonspell, « Mandylion » de The Gathering, Tiamat…) n’est pas encore parfaitement claire, Vorphalack et Xytras, enfin débarrassés de leurs démons intérieurs, peuvent à présent sortir des ténèbres des profondeurs pour viser un autre horizon, toujours sombre et froid, mais tellement plus beau, émouvant… l'infini du cosmos. Tout d'abord, exit total le satanisme, que ce soit dans les paroles, les visuels, les ambiances… et vraiment, tant mieux !!!
Ensuite, stabilisation du line up du groupe et changement de logo. En place du logo purement black, une typographie très dépouillée, qui intrigue déjà.
Pour le très justement nommé Passage, les musiciens ont raccourci leurs pseudonymes, Vorph le chanteur et Xy le claviériste. Ce dernier opte à partir de maintenant pour une boîte à rythme en lieu et place de sa batterie. Mais cela ne nuit en rien à la qualité musicale, heureusement :D
La musique, justement. Venons en donc au contenu musical à proprement parler. L'album déboule avec l'un des plus grands classiques du groupe, "Rain", aux paroles philosophiques, simples, mais très belles. Et ce morceau est un véritable bonheur !! Incisif, mélodique, rapide, et cette ambiance… si particulière, si spatiale… on accroche ou pas, mais c'est indéniable, le groupe possède un immense talent pour nous immerger dans son univers. Puis, déboule "Shining kingdom", autre grand titre, qui parle de la recherche de soi… plus lent, plus sombre, mais toujours envoûtant, prenant. Arrive un morceau étonnant pour qui ne connaît que l'ancienne période du groupe.. "Angels decay", mélodie basée sur un clavier, froid, imposant, et des lignes de chant parfaites, profondes et gutturales. C'est un effet que j'affectionne chez ce groupe, quand la voix du chanteur se fait profonde et mixée très en retrait, elle semble vous atteindre des entrailles de la terre, pour un rendu surpuissant, même pour les personnes habituellement réfractaires aux vocaux gutturaux. Ce morceau est tout simplement magnifique, à peine identifiable à du Black Metal. Puis vient My saviour, à l'introduction exceptionnelle. Ce morceau est globalement un peu moins inspiré, mais fait vraiment un carton en live, souvent joué en rappel. Puis arrive Jupiterian vibe et son début vaguement tribal. Le clip réalisé pour ce morceau est fascinant, envoûtant, et la chanson possède avec un air sombre et mélancolique qui y colle parfaitement. Mais le riff de ce titre, saturé et répétitif peut s'avérer inaudible pour certains. Ce morceau peut être perçu très différemment selon l'auditeur. Moi, personnellement j'adore, mais il m'a fallu un petit temps d'adaptation… avec Samael, l'ouverture d'esprit est toujours recommandée, dans tous les cas ;)
Deuxième partie de l'album, attaque fort avec un autre classique live du groupe, the ones who came before. Et là, première remarque péjorative. Plusieurs morceaux de l'album développent des ambiances assez proches. Mais la courte durée des titres et la qualité intrinsèque de l'album font que cela ne gène pas outre mesure. Ensuite vient l'un des deux morceaux que je n'aime pas dans l'album : " Liquid soul dimension". A la manière d'un Jupiterian Vibe, le groupe part d'un thème étrange, froid et répétitif. Mais ici, la magie n'opère pas, ce qui rend ce morceau très vite lassant. Pour ma part, je le saute souvent… Pour arriver plus vite sur la 8ème piste,"Moonskin", ce morceau fabuleux et inoubliable avec un refrain quasiment en chant clair, et un lyrisme pénétrant. Ce titre, à la manière d'"Angels decay", est composé sur la base de la mélodie de clavier. C'est presque une ballade… en tout cas, toujours astral, mais aussi émouvant…
Alors débarque un autre titre pour lequel j'ai un faible, Born under saturn, et ses quelques phrases surprenantes, en français. Ce titre propose des rythmiques originales et bien pensées… Un univers sidéral sidérant !!
Passons sur le titre suivant, « Chosen race », plus bêtement offensif et nettement moins original pour arriver sur un titre dont les paroles ont déjà porté à controverse… « A man in your head », encore un excellent titre, qui, je rassure immédiatement ceux qui pourraient mal interpréter le texte, n’a rien de néo-nazi ou quoi que ce soit d’autre. Au contraire, nous sommes invités à nous débarrasser de ses petites voix néfastes qui se logent dans nos têtes et nous étouffent. Encore une réflexion étrange mais intéressante de l’esprit torturé de Vorph !! :)
En conclusion, un album encore un peu cru, mais déjà superbe !! Si les ambiances sont parfois trop proches d’un titre à l’autre, cela contribue à une certaine homogénéité qui cadre avec la prestation hypnotique du groupe !! Et je conseille le groupe sur scène. Les compositions sont encore plus puissantes et le charisme du chanteur est impressionnant.
Un mot encore. Le style de Samael est unique et inimitable. Rien que pour cela, cet album mérite votre attention.
Un album pilier d’un groupe au genre unique.
PS : Il est à noter qu’une version orchestrale et uniquement instrumentale de l’album existe, avec uniquement des claviers, réalisée par Xytras le claviériste. Je la recommande fermement même si elle est difficile à trouver de nos jours.
Gounouman