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Road Salt 1

Pain of Salvation a porté, à travers les divers stades de sa carrière, plus d’un chapeau, et des chapeaux souvent bien différents, d’ailleurs. Du Prog Metal moderne et frais de ses débuts, en passant par un virage plus lyrique et épique pour BE, jusqu’à une version très ‘moderne’ du son PoS sur Scarsick (curieusement ponctué par un retour à des sonorités plus … disco !), les Suédois changent une nouvelle fois de cap. Comme on l’avait découvert à la fin de l’an passé avec la parution de l’EP précédant cet album, Linoleum, la nouvelle flamme de PoS est…vieille de presque 40 ans ! Retour aux ‘seventies’ et aux belles années du rock progressif, adoptions de ces sonorités sèches typiques, on ne fait pas les choses à moitié. Et pourtant, bien des groupes essaient depuis des décennies de reproduire le son, le ‘hype’ des ’70s. Alors qu’une grande majorité échouent, ou même réussissent par vulgaire plagiat, où se situe donc un des groupes de prog les plus acclamés et inventifs dans un style certainement surexploité? Réinventeront-ils la roue, ou se contenteront-ils de la faire rouler?

Ces questions que je vous pose, Linoleum leur a déjà répondu. EP apprécié par la critique et montrant que le groupe pouvait très bien rester lui-même en empruntant un style, il n’en reste pas moins que 4 vraies pièces ne constituent pas un album à part entière. Troisième chapitre de la série The Perfect Element, Road Salt 1 poursuit sur les thèmes abordés sur l’album éponyme de cette série et sur Scarsick : Passage de l’enfance à l’âge adulte par une série d’embuches, découverte de la sexualité, appât de la luxure, mensonge, abus. Les épreuves sont ici proposées comme une route, non comme une finalité : "I wanted to be changed by the road, I so wanted to change the road…" Ces thèmes sont, comme à leur habitude, relativement discrets et ne jurent pas, au premier abord du moins, avec l’aspect très "true Rock and Roll" de ce son typé ’70s. À l’instar de Linoleum, L’album joue cette carte avec modération, proposant des pièces très énergiques, No way par exemple, qui ouvre l’album avec ce reconnaissable accompagnement de clavier typique à l’époque, ou Tell me you don’t know, ouvert par un riff que l’on pourrait qualifier des plus classiques.

Classique. Le mot est important, car il représente un piège de taille. Au travers de ces riffs ‘classiques’, de ces sonorités ‘classiques’ se cache la perle qu’est Pain of Salvation. Toutefois, autant pour le féru du vieux rock que pour le néophyte, il est facile de passer à côté. Il est important de préciser que ce format musical issu d’une autre époque n’est que la forme. Le fond, lui se cache au travers des pièces dynamiques que sont Linoleum et consorts, mais la vraie beauté de ce Road Salt 1 réside dans la profondeur de pièces plus difficile d’accès. …Of Dust et son aspect mythique introduisant le sous-concept de la route: "As if, late in the night, you can’t tell the wanderer from the road, the walker from the walked…". L’apport des arrangements vocaux est ici crucial et ne peut que rappeler les influences Gospel de Nauticus (BE). Que dire des ambiances de Sisters, changeantes, tantôt oppressantes, supportées par une basse réverbérée une guitare trémolo, tantôt dramatique, et toujours supportant un Daniel à l’apothéose de ses talents lyriques? Que dire de l’excellente Linoleum, à la fois très entrainante dans les refrains et touchante dans son break?

L’amalgame de pièces plus rock et de thèmes parfois crus (Curiosity ) et de pièces plus profondes crée une dynamique au fil de l’écoute, une ponctuation fort appréciée. En parlant de ponctuation, on ne peut manquer la surprenante Under the Stars, ou les accents burlesques s’amalgament à des mandolines foraines et où le rythme parfois un peu dérangé supporte très bien le concept et l’ambiance de la pièce. Mentionnons d’ailleurs l’apport rythmique de Leo Margarit, qui fait décidément preuve d’une grande flexibilité, s’effaçant souvent pour des pièces aux besoins techniques limités, pour ressurgir plus tard, sur Curiosity ou à la fin de No Way, avec un jeu plus poussé. Techniquement, outre quelques solos de nos amis Gildenlöw et Hallgren, on pourrait reprocher aux Suédois de s’être un peu laissé aller. Au premier coup d’oeil, certains passages peuvent sembler très basiques musicalement, ces lignes d’orgue électronique d’une simplicité déconcertante, par exemple. S’il ne prouvait pas le contraire sur l’excellente Innocence, on pourrait croire que Fredrik est sous-utilisé, d'où le piège mentionné précédemment. La simplicité associée au style ‘70s n’est qu’apparente et les écoutes révèlent sans cesse d’autres surprises, mais il faudra pour beaucoup d’auditeurs trompés par la forme un effort pour déceler vraiment le fond. Ainsi donc, et malgré les différences d’opinion que l’on pourra partager à propos du retour à un style plus élémentaire, classique ou même minimaliste, dépendamment du point de vue, il faut bien avouer que Road Salt 1 possède cette profondeur, ce génie que l’on ne pouvait qu’attendre de Pain of Salvation.

Ainsi donc, la bande à Daniel (du coup, ça ne sonne pas aussi ‘glorieux’ pas vrai ?) réussit un autre tour de passe-passe. D’abord BE, puis Scarsick, maintenant Road Salt : un autre virage vers un style nouveau, diamétralement opposé au précédent (en restant sous l’égide du Rock, bien entendu!). Pain of salvation accrochent un nouveau chapeau au mur : un trophée prouvant l’universalité de la démarche musicale lorsqu’elle n’est pas bridée par un carcan stylistique et ce, en conservant l’indéniable patte PoS. Alors que le premier stade de la carrière du groupe, jusqu’à The Perfect Element 1, était relativement stable, ce second stade de l’Histoire de Pain of Salvation, amorcé avec BE, est définitivement en pleine écriture!

"Maybe I am just the road, dreaming that I walk…"

0 Comments 29 septembre 2010
Whysy

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