2001 débuts du troisième millénaire, moment de crainte et de troubles, ce n’est pas la peste du 14eme siècle mais bon c'est quand même pas mal. C'est le moment privilégié choisit par nos impitoyables creuseurs de tombes, pour revenir nous hanter au beau milieu d'une nuit sans lune. La nouvelle livraison de Grave Digger est sombre, malsaine, les magnifiques armures ont rouillées, les glorieuses batailles sont devenues des charniers livrés aux vautours, la mort n'est plus une fin mais une transition. Les Allemands nous reviennent et tels les cavaliers de l'apocalypse, ils vont faire mal.
L'artwork nous le signal, l'album est dédié à Edgard Alan Poe, qui ne connaît pas ou n'a pas entendu parler de ce romancier américain, réputé pour ses nouvelles glauques et malsaines ? Sachant cela on comprend pourquoi nos malveillants teutons s'en inspirent. Les thèmes de The Grave Digger ne sont plus l'histoire comme sur Tunes Of War ou Knight Of The Cross, mais définitivement la mort, la mort, la mort, sous toutes ses formes et sous ses dehors les moins glorieux : mort sale, mort triste, mort ingrate. Bien évidemment, tout fan de heavy métal assoiffé de sang se doit de frémir de plaisir à l'annonce de tant de réjouissances.
La musique reste très fidèle aux racines du quintette teuton, le groupe s'est finalement très bien remis du départ de son charismatique guitariste Uwe Lullis, remplacé au pied levé par Manni Schmidt. Ce dernier se montre parfaitement à la hauteur de la tache, maniant son instrument avec virtuosité, il apporte même à la musique une touche thrashisante plutôt originale. Ses riffs et ses soli font mouche à chaque fois, bref comme on pouvait s'y attendre, les guitares ne seront jamais en retrait sur cette galette, pour notre plus grand plaisir. La batterie remplit elle aussi son rôle à la perfection, imposant des rythmiques puissantes et variés, martelant allègrement nos tympans endoloris, comme un marteau plantant des clous dans une planche de cercueil, ou plutôt comme un lourde masse enfonçant la croix mortuaire d'une tombe dans la terre meuble du cimetière local... j'aime les métaphores!!! La basse nous gratifie de quelques sublimes passages solos, tout en enrobant l'ensemble d'une atmosphère sombre et dérangeante. Mais Grave Digger ne serait pas grand chose sans son puissant et charismatique leader, l'intenable Chris Boltendahl, son chant rauque et râpeux à l'excès fait encore une fois merveille, et dés les premières secondes de l'album on est soulagé de constater que sa trachéite n'a toujours pas guérie, les maladies rendent les serviteurs du malin plus fort... ce timbre unique sait apporter aux compos une violence et une agressivité supplémentaire, sans toutefois se refuser des exercices plus nuancés comme sur "The House" ou "Silence". A n'en pas douter, au 21eme siècle, comme au 12eme, la grande force de Grave Digger, c'est vraiment son hurleur, les bourgades embrumées des Highlands n'ont qu'a bien se tenir!!!
L'album est quasiment dépourvus d'erreur, les hits sont nombreux, "Son Of Evil" (avec son intro flippante), "Raven" (et son orgue), "King Pest" (le titre le plus violent de l'album), "Funeral Procession" (quel finish!!!). L'album est résolument mid-tempo, incitant au headbang à chaque pulsation, au plus grand déplaisir de nos cervicales douloureuses, comme dans tout album de heavy allemand qui se respecte. Le meilleur morceaux du genre est le title-track "The Grave Digger" avec son refrain déjà anthologique, sans oublier bien sûr "Spirits Of The Dead" ou "Black Cat" clôturant l'album (quel charmant présage au moment de nous quitter, brrr...), on pourra peut-être regretter des morceaux trop conventionnels comme "Scythe Of Time", "Sacred Fire", ou "Haunted Palace" qui endorment et ne marquent pas l'esprit. Mais malgré la qualité globale des morceaux violents, c'est dans ses rares passages nuancés que The Grave Digger nous surprend, avec la très malsaine "The House" alternant lancinante guitare acoustique et diaboliques montées en puissance. Et la magnifique ballade "Silence", qui ne peut laisser aucun gros coeur métallique indifférent...
Au final ce The Grave Digger est un album de bout en bout excellent (ou presque), on pourrait lui reprocher de ne pas assez nous surprendre, en restant résolument dans les sentiers battus. Mais ne crachons pas dans la soupe, la cuvée 2001 est particulièrement alléchante. Gageons que la prochaine verra le quintette germanique prendre plus de risque. Mais rien que pour l'ambiance, cet album vaut le détour...
SMAUG...