Lorsque j’ai vu débouler dans ma direction ce grand métalkid d’au moins 2m10 criant : « les russes arrivent ! les russes arrivent ! », j’étais en train de siroter peinard mon diabolo fraise.
Il s’écroula tel un gros phoque à 10 cms de mes santiags. Il empestait la vodka. Un mélange de vodka Smirnoff et de vodka Danzka, 50/50 à vue de nez, avec une pointe de Single Malt millésimé 1985, dirais-je…
Bref, je le dévisage, un poil ennuyé – mon diabolo fraise risquait de s’éventer tout de même- et remarque son regard affolé. Un peu sèchement, je le somme de s’expliquer manu militari.
Dans un affreux bafouillage et un français approximatif – pour une meilleure compréhension, je traduirai donc avec mes mots à moi- il m’expliqua que voici peu, il errait , désoeuvré, en fait tout occupé à siffler les jolies filles une bière à la main – ou le contraire- lorsqu’il tomba sur une bande de métalkids en goguette et s’exprimant dans un étrange dialecte. Au nom de la grande fraternité métallique, il leur avait aussitôt souhaité la bienvenue. Ils lui répondirent par ce qu’il pensa être un chant traditionnel qui donnait à peu prés ça : « Vodka Da Da ! Poutine Niet Niet ! »
Ce n’est que lorsque l’un d’entre eux extirpa une bouteille de vodka de son blouson, qu’il comprit qu’il avait affaire à des frères de l’est. Il fit honneur à la bouteille, et à d’autres aussi… Il ne les compta pas.
Et puis c’était arrivé brusquement. Profitant d’une faiblesse passagère, ils lui collèrent d’autorité un casque sur les oreilles pour qu’il écoute… Comme je l’ai déjà dit, je traduis avec mes mots. En plus du bafouillage approximatif, il faisait maintenant de grands gestes et son regard devenait fiévreux, carrément halluciné.
Cela commença par quelques notes de musique classique, avec vrai orchestre. Histoire de rappeler que dans ce domaine, les russes n’ont jamais été des manchots.
Là-dessus déboulent guitares et basse couleur trashy que ne pourraient renier des DREAM THEATER ou autre THRESHOLD, sur lesquelles vient se poser la voix du chanteur, façon BLIND GUARDIAN. C’est puissant, mélodique, et on est conquis.
Morceau suivant. Mélange improbable de ROUGH SILK pour le côté sympho faussement décousu et de QUEEN, pour les breaks hallucinés ou calmes avec instruments classiques et voix posée rappelant furieusement celle de l’ange Freddie. Surprenant, mais on aime.
Morceau suivant ! Plus calme. Imaginez FREEDOM CALL dans une ballade colorée folk. Superbe.
Morceau suivant ! C’est beau. L’orchestre est de retour. Moment poétique.
Morceau suivant. Intro guitares et basse rentre-dedans, petite ligne mélodique au clavier, pour une ambiance DREAM THEATER-BLIND GUARDIAN avec un refrain entraînant et un break avec guitare sèche et voix – et chœur et mélodie- limite pop. Encore une fois surpris et conquis !
Morceau suivant ! Ils multiplient les changements de rythmes et les breaks. Peut-être en font-ils trop cette fois-ci. Malgré tout, cela reste homogène en déclinant une même ligne mélodique de différentes manières : sympho, pop, heavy, orchestre classique…
Morceau suivant ! Encore une surprise. Voix presque chuchotée, ambiance limite electro-pop ; une voix féminine – en fait, je pense que c’est le chanteur lui-même qui en est l’auteur- se pose et nous ravit. Puis arrivent les guitares et la basse. Une voix, bien heavy celle-là, entonne une partition à chercher entre BLIND GUARDIAN et FREEDOM CALL. Puis une autre voix – je précise que c’est bien le même chanteur qui fait toutes ces voix- avec effet théâtral et puis… et puis j’abandonne !
Il faut l’écouter, ce cd, bien tranquillement. Et chaque écoute apportera encore quelque chose de nouveau. une richesse incroyable sans que cela fasse foutoir. Un mix ébouriffant de tous les groupes précités. Si vous pensez cela impossible, MECHANICAL POET nous prouve le contraire.
Cet album est inclassable, incroyable, bouleversant, dopant, joyeux, mélancolique, ironique, entraînant…..
Là-dessus, mon métalkid de 2m10 se tait…. Les yeux cette fois perdus dans le vague…. C’est clair, la zique de MECHANICAL POET continue à lui titiller les neurones que la vodka a pu épargner.
Puis il se lève. Et s’en va sans même un au revoir. C’est là que je remarque que le dos de son cuir est tout brûlé et fume encore. Pareil pour son futal, d’ailleurs….
Là, je me dis que c’est sûr cette fois. Les russkofs ont bel et bien débarqué dans le monde du métal. Et ils vont tout cramé.
PS : à noter, le superbe livret où chaque morceau est traité sous forme de bd. De la belle ouvrage, définitivement. Oh, et j’oubliais : ces russes-là chantent en anglais. PapaDuck