La vie (et l’avis) d’un chroniqueur est parfois difficile... Quand on tombe sur un chef d’oeuvre, ou une déception d’un groupe que l’on connait, la critique est aisée. Mais lorsqu’il s’agit d’un premier album d’un groupe jusqu'alors inconnu, on se retrouve quelques années en arrière, quand on arpentait encore les disquaires à la recherche de belles découvertes souvent motivées par un artwork alléchant...
Et, sur le papier, ce nouveau projet qu’est A HERO FOR THE WORLD peut paraitre tout à fait sympathique. Constitué de deux suédois vivant aux Philippines, cet album concept puise dans le heavy traditionnel, proposant un mélange entre le metal épique US (MANOWAR, voir VIRGIN STEELE) et le métal allemand (EDGUY en tête), le tout saupoudré d’arrangements symphoniques ayant clairement pour objectif de donner un aspect opéra à l’ensemble.
L’artwork, cliché au possible, renvoie également à cette promesse d’oeuvre ambitieuse et, on l’espère, aboutie. Bref, une oeuvre que l’on aimerait aimer... Mais, non, il y a des fois où la vérité vous explose au visage, notamment quand on a les yeux plus gros que le ventre... Bref, cet album est raté... incontestablement raté...
Passe encore le début du disque, constitué de deux chansons très mélodiques et plutôt accrocheuses, même si déjà entendues plusieurs milliers de fois : «We are forever» et «Eternal shadows» présentent en fait le concept du groupe : des chansons à la Edguy interprétées par un gars qui voudrait être Eric ADAMS mais qui ne l’est pas, mais alors pas du tout (les gimmicks de l'américain sont repris de manière absolument pas discrètes, mais bon, soyons tolérants et voyons cela comme un hommage). On se dit alors que l’album va juste rentrer dans l’immmmmmense famille des albums de heavy metal traditionnel passables.
Mais non, amis lecteurs, ce serait trop facile... Car oui, A HERO FOR THE WORLD a de l’ambition ! Et pas qu’un peu messieurs dames : arrive donc «Free Forever», et là, c’est le drame. Ballade pas du tout originale, elle est surtout d’une niaiserie assez exceptionnelle, rivalisant sans problème avec la crème de la crème de ce qui se fait de pire niveau soupe de variété française (ou autre d’ailleurs, la soupe étant internationale ma bonne dame). Nous avons donc au programme un synthé sirupeux et parfaitement daté, une chanteuse qui arrive comme un cheveux sur la soupe (c’est le cas de le dire), un break illuminant l’aspect culcul de l’ensemble, et des paroles que je vous laisserai découvrir...
Bref, le tiers de l’album passé, on vient de comprendre ce que l’on va s’infliger. Mais comme un épisode des Musclés, on se dit que c’est tellement con qu’on veut voir la suite (comment ça, non ?).
Et la suite arrive avec le sommet du disque, la touche finale d’une oeuvre qui passe désespérément à coté de son objectif : «Heaven’s eyes». Morceau metal à nouveau dépourvu d'une quelconque touche d’originalité et qui se traine en longueur avec une outro inutile (7:26, quand même), ce titre met surtout en exergue l’autre écueil du disque : le chanteur. Comme je l’ai précédemment noté, ce dernier essaye d’être Eric ADAMS à la place d’Eric ADAMS... Mais le problème est de taille : déjà peu à l’aise dans les graves (ses sortes d’aboiement, pompés sur le ADAMS période «Warriors of the world», tombent complètement à plat, comme c’est également le cas au début de «End of time»), il part carrément en vrille dès que les envolées dans les aiguës se profilent à l’horizon. Et le refrain de ce fameux «Heaven’s eyes» en est le meilleur exemple : parfaitement insupportable et totalement crispant (entendre quelqu’un se défoncer la gorge pour atteindre une note haute n’a jamais rien eu de musical, ni d’agréable d’ailleurs), il atteint son paroxysme lors de la dernière envolée de la chanson, s’apparentant, par exemple, à un Freddy Krueger jouant avec ses griffes sur un tableau noir (et là, c’est tout de suite plus «clair»).
J’arrête là le portrait, car vous aurez compris l’idée générale, même si on peut tout de même mentionner la production, correcte, et quelques chansons pas folichonnes, mais sympathiques (les deux premières, «End of time», et quelques passages de «One hope of light», qui s’autodétruit malheureusement en se trainant en longueur sur plus de 10 minutes, ce qui la rend désagréable car infiniment trop répétitive...). Il n'est pas non plus interdit de prendre du plaisir en insérant dans son écoute une bonne dose de second degré (ce qui, paradoxalement, me fera me souvenir de cet album pendant longtemps, malgré sa médiocrité...).
Partant d’une bonne idée, ce groupe n’a clairement pas eu les moyens de ses ambitions. Trop pompeux dans le fond et tellement lésé par des problèmes d’interprétation et de choix sur la forme, ce nouveau groupe passe totalement à coté de son sujet. Optimiste de nature, je me dis qu’ils feront mieux la prochaine fois... (le défi a relever n’était pas bien grand...)
Et, pour conclure cette chronique en beauté, voici le clip (parce que oui, ils ont osé le clip) de cette fameuse «Free Forever», avec, cerise sur le gâteau (et il faut croire qu’ils en sont suffisamment fiers), les paroles ! Bonne dégustation, mais attention, c’est tellement sucré qu’il faudra faire gaffe à votre cholestérol...
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