Depuis quelques années que j’écoute cet album, j’ai toujours été intrigué par cette cover. Intrigué et émerveillé. L’esthétisme qui semble être le leitmotiv, aussi bien visuellement que musicalement, du combo anglais, éclabousse pleinement sur cette image. Couleurs épurées, entre rouge incandescent et gris brun figé, qui entourent ce plan d’eau et qui retiennent prisonnier la silhouette noire et son bateau. Une cover qui est aussi lourde de sens, complainte artistique contre le réchauffement climatique qui entraîne des mutations naturelles profondes. Bref, sûrement la cover la plus réussie du groupe à mon goût, et que je ne me lasserai jamais d’admirer.
Et ce travail minutieux de recherche esthétique dépeint également sur la musique de A Natural Disaster. Les anglais ne changent pas d’orientation sur cet album, en nous proposant un métal atmosphérique très aérien, brumeux et lumineux à la fois.
Car en l’espace de quelques secondes, d’un interlude entre deux chansons, on peut passer d’une ambiance onirique, évanescente, à une ambiance plombée, fiévreuse, proche de la rupture. La continuité entre l’enfantine et rêveuse Childhood Dream et la géniale et oppressante Pulled Under At 2000 Meters A Second résume bien ce que l’on sait depuis longtemps déjà : Anathema manie à merveille l’art et la manière de nous transporter d’un univers à un autre avec une fluidité et une facilité déconcertantes.
Depuis le monumental Alternative 4, les anglais ont pris le virage de l’électronique : l’usage intensif mais malgré tout intelligent de sons modernes, presque futuristes, comme sur la sublime Are Your There, de filtres vocaux divers et variés comme sur Closer par exemple, et des nappes de claviers, omniprésentes sur cet album, apporte sans conteste une dimension, une interprétation différente. Même si l’émotionnel reste la figure de proue, les moyens pour parvenir à ce résultat sont en pleine évolution, et le talent de composition et surtout d’interprétation des musiciens et de Vince Cavanagh derrière le micro conduit avec brio ces mutations.
Car le chant est une donnée importante dans l’équation Anathema : même si Vincent laisse sa place à du chant féminin du plus bel effet sur le titre éponyme A Natural Disaster, il éclabousse de tout son talent le reste de l’album, entre passages atmosphériques où le vocal se fait fluet, sucré, doux, et les passages plus rythmés où il devient plus prenant, plus électrique, pour atteindre son paroxysme de puissance et de rage sur Pulled Under At 2000 Meters A Second. Cet éventail vocal donne beaucoup de couleur et de relief à une musique très posée, contemplative. Les parallèles avec Radiohead sont assez évidents, le compositeur et leader du groupe Danny Cavanagh ne cachant d’ailleurs pas ses influences.
Un album fiévreux, prenant, passionnant, qui oscille entre méditation hypnotique et excitation électrique, qui confirme en tous les cas que Anathema est et reste un des plus grands groupes de métal atmosphérique à avoir illuminé le sol terrestre. Malgré cela, A Natural Disaster n’est pas le meilleur album de la discographie pléthorique de la formation anglaise, manquant un peu d’équilibre (notamment avec quelques titres en dessous, qui cassent quelque peu l’homogénéité de l’ensemble) et visibilité par rapport à des albums comme Alternative 4 ou encore Judgement. C’est un peu plus embrumé, plus morcelé, plus nébuleux, mais l’alchimie fonctionne encore une fois, A Natural Disaster est comme ensorcelé, et nous plonge dans un univers électrique, secondaire et coloré, qui semble nous protéger de tous des affres du monde extérieur. Impressionnant et indispensable.
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