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Fates Warning est un groupe qui est là depuis un bon moment et qui a vu son genre (le metal progressif) grandement évoluer. Malgré tout, la formation est restée fidèle à sa façon de faire et on pourrait même dire qu’elle a défini, au cours des années, une certaine façon de créer les riffs métal en mesure impaires ou composées qui sont, en partie, leur marque de fabrique. Le problème qui se pose souvent avec les groupes qui sont là depuis un bon bout de temps, c’est qu’ils ont du mal à se renouveler. Parfois ils ne cherchent même pas à la faire (un comble). Regardez par exemple le dernier Dream Theater (éponyme), qui est à fond dans la redite et la composition facile. En est-il de même pour Fates Warning avec son « Darkness in a different light » ? On est en droit d’attendre au moins un « bon » album après 9 ans sans nouvelle réalisation. Que les fans se rassurent, c’est du bon ! Même si il ne s’agira certainement pas du messie pour eux.

L’album démarre sans fioritures, sans introduction mystérieuse ou épique ! Chez Fates Warning, on ne fait pas dans le pompeux et le premier morceau, « One Thousand Fires », nous plonge directement dans un gros enchevêtrement de riffs à couleur phrygienne pas toujours très droits dans leur métrique. Le ton très progressif est donné et le tout est servi par une production très intéressante.

Le mix sonne très naturel et brut. Rien n’est surproduit. Les guitares sont bien lourdes et râpeuses en rythmiques, et tantôt veloutées, tantôt acérées dans les soli (qui sont tous intéressants). Même si on peut ne pas aimer ce son, on se doit de reconnaitre qu’il est de qualité. On appréciera aussi l’utilisation de guitare acoustique pour les fameux arpèges, ce qui renforce le côté organique de la production. La batterie est dans la même veine, c’est un son très naturel et brut auquel on a droit. Là encore, le goût personnel peut intervenir et on peut être surpris au début. Une autre chose qui peut surprendre, c’est la quantification des parties batteries qui a l’air d’avoir été évitée. On a tellement l’habitude d’entendre des parties jouées inhumainement trop droite, que le fait d’entendre un jeu humain (très subtil d’ailleurs) fait bizarre au début. Cela peut donner matière à réfléchir sur les productions actuelles ! Au final on se retrouve à saluer ce parti pris car l’album sonne de façon très honnête et très live ce qui le rend assez intense. On regrettera cependant que la basse ne soit pas plus mise en avant (par un son moins « grave ») car elle pourrait prendre plus de place dans les compositions et dans le son d’ensemble.

Le gros point fort du groupe est la voix qui sert magnifiquement les compositions. Très bien enregistrée, elle n’a pas ce son creux qu’on peut entendre dans beaucoup de productions actuelles. On entend tous les détails de son timbre et ses inflexions. Malgré sa tessiture aigue, elle garde une belle part d’harmoniques graves, ce qui la rend riche. De plus, les très belles mélodies et l’interprétation donnent vraiment de l’émotion à l’auditeur. Les parties vocales de « One Thousand Fires » et son magnifique refrain modulant en témoignent. C’est un monde de couleurs qui s’ouvre à nous.

En parlant de couleurs, on sent que le groupe a fait travail au niveau de certaines textures de son. Par exemple, les arpèges presque glauques qui ponctuent le riff principal de « Desire » sont la personnification de ce propos. On remarque aussi beaucoup de polyrythmies entre les guitares qui incarnent aussi bien cette idée de texture car la stéréophonie, bien équilibrée, permet de voir toute ces subtilités qui changent la perception d’un morceau. Les Eq de guitares progressives sur « Lighthouse » (très beau morceau) ainsi que les sons de cymbales samplés et modifiés ne font que renforcer cette opinion. Même le synthé, qui sait se faire discret, apporte de la masse quand il y en a besoin. A partir de là, quand on comprend que « Darkness In a Different Light » est fait d’un travail plus profond encore que l’instrumentation pure, on ne peut qu’adhérer. De toute façon, ce ne sont pas les compositions qui viendront nous faire dire le contraire.

Bien que l’album soit très homogène dans ses couleurs, les différents morceaux ont tout de même leur personnalité. Le groupe ne fait pas dans le progressif démonstratif et tout est écrit intelligemment et ne sonne pas « forcé ». Le néophyte ne se rendra peut-être même pas compte de la présence des mesures impaires sur les gros riffs métal ou des modulations qui sont pour la plupart intelligentes. Cela donne de la fluidité à l’ensemble et renforce la puissance des mélodies de la voix. Il n’y a rien de plus beau qu’une mélodie qui se développe en couleurs grâce à une harmonie qui n’est pas redondante. Le summum est atteint avec la grosse pièce, « And Yet It Moves » qui est un excellent résumé de l’album. Rien que l’intro à base de guitare acoustique est une démonstration de belle écriture. C’en est presque contrapuntique ! Le reste du morceau revient dans les clous et ne lasse pas sur sa durée même si il n’est pas spécialement démonstratif. La partie acoustique du milieu/fin est juste magnifique. Le jeu des musiciens qui est réellement très bon permet aux parties de sonner comme elles doivent sonner. Et ces parties sont toutes bonnes (sans toutefois toujours toucher au génie) ! Il y a toujours quelque chose à écouter avec attention et c’est la force de cet album.

C’est aussi cette profondeur intrinsèque qui en fait un album difficile à appréhender au début car les subtilités et les bonnes idées se trouvent ailleurs que là où on a l’habitude de les trouver dans le métal progressif. En effet, pas de dégelées de notes ou autres parties composées juste pour être complexes. Il faut réellement être attentif à l’écriture des riffs et des mélodies pour apprécier pleinement cet album à la fois simple et élaboré.

Toutes ces qualités n’en font cependant pas un album traversé par le génie de part en part, car un ou deux morceaux sont juste bons, pas très bon ou excellents. « I Am » par exemple, ne nous laissera pas une marque éternelle dans l’âme même si son écoute reste agréable. De plus tous les passages instrumentaux ne sont pas irréprochables ce qui empêche ce disque de toucher du doigt le titre de « chef d’œuvre ». Mais, il faut le reconnaître, c’est fort peu et, à ce stade, la notion de « chef d’œuvre » reste subjective. Pour ma part, j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écoute de cet album.

« Darkness In A Different Light » n’est donc pas un disque de grande innovation (quel disque peut s’en vanter aujourd’hui ?) mais ce n’est pas ce qu’on lui demande au final, car il nous offre autre chose ! De par son intelligence, ses ambiances et ses qualités émotionnelles, cet album mérite la note de 8/10 car il ne comporte pas vraiment de morceau faible. Chacun à sa raison d’exister. Fates Warning n’a pas perdu sa volonté de faire de belles œuvres et ça, c’est la plus grande qualité d’un groupe qui a traversé les années. On peut souhaiter que cette traversée  entre ombres et lumières ne s’arrête pas là !




0 Comments 28 septembre 2013
Whysy

Whysy

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