Vous recherchez quelque chose ?

Ce n'est pas sans un réel plaisir que je suis parti à la rencontre de Carine PINTO et François MERLE, membres du groupe MANIGANCE dont le nouvel album (je ne dis rien mais c'est un petit bijou !) intitulé "Le Bal des Ombres" sortira le 18 Mars 2022 chez Verycords. Merci à eux d'avoir pris le temps de répondre à mes questions !

Tout d'abord merci à vous de me recevoir. Pouvez-vous nous raconter les évènements qui se sont passés au sein du groupe récemment, je parle notamment du changement de line-up avec le départ de deux membres que je qualifierais d'historiques ? (Ndlr Didier DELSAUX et Bruno RAMOS )

François : Oui, le line-up a changé en plusieurs étapes. Le plus gros s'est passé avec le départ du chanteur aux alentours de 2018. Pour resituer le contexte, on a sorti un album en 2018 "Machine Nation" où Carine, notre chanteuse actuelle avait déjà fait une intervention. Didier à cette époque était moins impliqué dans le groupe et on avait anticipé en discutant avec lui de ce qu'il voulait faire. Finalement il est parti et l'arrivée de Carine s'est très bien passée, nous étions en tournée avec le groupe MYRATH. C'est comme ça que Carine est arrivée dans le groupe.  Du coup cela fut un peu violent, elle s'est retrouvée direct dans une tournée européenne, dans le feu !
Carine : J'ai plongé dans le grand bain !
François : Elle en parlera surement mieux que moi mais on est un groupe très dans le modèle de "copains" comme les vieux groupes des années 80/90. On aime bien être tous en sembles, vivre des choses tous ensembles. On a privilégié le fait qu'elle chante pour lui demander en premier et comme ça a marché ben voilà, c'était super pour nous.
On a donc fait cette tournée, Bruno était encore avec nous. Derrière ça il y a eu tous les évènements de SORTILEGE que tout le monde connaît (ndlr reformation du groupe en 2019 puis scission en deux entités distinctes) avec une opportunité pour Bruno de jouer avec SORTILEGE. Comme on est dans le Sud c'est compliqué pour lui d'être à la fois à PARIS et avec nous. Du coup d'un commun accord on a décidé que quelqu'un devait le remplacer quand il n'est pas là et c'est là que Lionel VIZERIE  est arrivé. On avait commencé à composer et du coup ça a un peu changé la donne. On a revu tout ça avec Lionel et Carine sur les nouvelles compos. Et nous voilà avec le nouvel album aujourd'hui.


Question pour Carine, on te connaît beaucoup moins que les autres membres du groupe, quel est ton parcours dans la chanson, la  musique ?


Carine : J'ai commencé à chanter il y a 25 ans mais pas dans des groupes qui avaient la même visibilité que MANIGANCE aujourd'hui, des groupes de métal locaux. J'étais déjà dans le périmètre du groupe, on se connaît depuis 20 ans et je suis passée par toutes les étapes. J'ai poussé des fly cases, j'ai vendu des t-shirts, mais la question entre nous n'était pas du tout musicale en fait. On était entre potes et je soutenais le groupe. Je suis fan depuis longtemps. Une vraie groupie. Quand la question du remplacement s'est posée, il y eu des premières pistes sur une voix masculine avec cette question de la comparaison avec Didier qui a été la voix du groupe pendant trente ans. Du coup le choix s'est plutôt porté sur une voix féminine. François m'avait déjà entendue faire des reprises d'autres groupes comme ACDC alors il m'a dit "on va faire des essais avec toi".
J'avais pas prévu tout ça en fait, moi j'allais suivre le camion encore, pour la tournée d'après. En trois mois je me suis préparée, ils m'ont aidée, et on est parti en Tour Bus avec MYRATH. Et pour moi la grande aventure a commencé, c'est comme ça que je suis arrivée.

De l'enregistrement au mixage, en passant par la pochette et le label, c'est du 100% français. Est-ce une volonté de votre part de montrer le savoir-faire français ? Est-ce une fierté d'y arriver ?


François : C'est exactement tout ce que tu as dit. D'abord c'est une fierté d'avoir tous ces gens talentueux autour de nous qui nous aident. Qui montrent qu'en France on a vraiment des choses à dire et un savoir-faire. On essaie quand même de faire jouer toutes nos antennes, notre réseau pour faire avancer nos projets. Le clip aussi, c'est du 100% fait copains. Sur le thème du bal des ombres, on voulait quelque chose de nouveau. Aussi avec l'expérience avec MYRATH en tournée, on a appris pas mal de choses. On voulait des danseurs, un truc un peu scénarisé. Pour te donner une idée on a fini avec trente figurants, que des potes, des danseurs des potes, un château prêté par un américain, la salle où on a tourné le clip c'est le garage d'un carrossier qu'on a entièrement occulté dans le noir pour qu'on puisse avoir une belle scène, comme dans un studio d'enregistrement. Et tout le monde a participé pour les costumes. Petite anecdote les cravates des danseurs c'est des strings en dentelles que les nanas ont cousu mais au final le clip apporte une plus-value made in France.

Je crois que c'est réussi, les strings en dentelle on ne s'en rend pas compte !  Du coup, combien de temps il vous a fallu pour composer l'album justement et quel est votre processus de création ?

Carine : On a un peu profité de la période Covid et confinement. On e pouvait pas trop sortir et avoir d'autres activités que la musique. Ca nous a permis de beaucoup travailler en termes de temps, beaucoup, beaucoup de travail. C'était un temps nécessaire aussi pour qu'on arrive à se caler ensembles. C'est la première fois qu'on travaillait ensembles pour les compos, et moi sur un album comme Lionel d'ailleurs.


Donc tu as participé, tu t'es vraiment impliquée ?

Carine : Oui ! On était beaucoup tous les deux en fait. J'ai écrit des textes, quelques mélodies de chant, on a vraiment travaillé tous les deux, François toujours garant de la "Manigance Touch !" pour que ça reste du MANIGANCE. Je pense que pour qu'on soit vraiment créatifs, autant lui que moi, il faut qu'on n'ait aucun filtre et qu'on soit en totale liberté. On ne s'est pas posé la question de savoir "est-ce que ça va plaire ?", "est-ce qu'on déborde un peu trop ?", on s'est vraiment laissés allé et après on a évalué ce qu'on avait produit.

Est-ce que c'est pas ça l'esprit rock au final, cette totale liberté ?

Carine et François : Ouais je suis bien d'accord..
Carine : En ce qui me concerne, cette phase créative a été un développement personnel absolu. J'ai adoré ces moments.
François : C'est aussi le fait de chanter en français parce que ça amène plus d'implication dans ce que tu veux faire passer. Chanter en français ça t'oblige à bien réfléchir au fond de toi  à ce que tu veux faire passer comme message et la chanson elle s'ajuste aussi avec ça. Selon les mots elle peut être heavy, plus speed, plus mélodique, selon aussi, en français, les idées que tu veux faire passer.
Carine : Et pour le coup les mots sont intervenus très tôt dans la composition. François proposait des riffs et on essayait de caler un refrain, un pont et un couplet en "yaourt". La fois d'après je revenais avec des  mots et on partait là-dessus. Et c'est ça, à mon sens, qui a fait cette cohésion entre les paroles et la musique sur l'album. Ca s'est construit en même temps.
François : Je pense que toutes les compositions aujourd'hui, si on regarde les gens qui font de la pop, du rock, toutes les compositions devraient être presque toutes  jouables au piano avec d'un côté la rythmique et de l'autre côté la mélodie. Je suis très axé là-dessus. Tout ce qui va être autour, la batterie qui cartonne, les solo, tout ça c'est du plus, mais à la base il faut qu'il y ait les autre accords et la mélodie, et c'est ce qu'on privilégie dans le groupe.
Après c'est de la cuisine entre "je l'ai dès le départ" ou "j'arrive au bout de tant de temps à l'avoir". C'est du travail pour tout. Les gens qui composent savent que ça peut être rapide comme long. Et à un moment, il faut que tout le monde soit convaincu que "ça y est je tiens le truc !". Ma façon de travailler c'est que, quand je tiens le truc, je laisse reposer et je passe à une autre chanson. Je profite de ce que j'ai fait pour me dire "maintenant je vais faire autre chose". Après j'y reviens et j'ai un recul sur le truc, je peux affiner, ramener des choses.

Je vais revenir sur ce que vous disiez à propos des textes, d'avoir quelque chose à dire. J'ai remarqué que vos textes étaient très ancrés sur la société actuelle. ca parle de politique, ça parle de thématiques assez graves comme les violences conjugales, ça parle de beaucoup de choses ?


Carine : Tu as parfaitement raison. Mon inspiration est partie de tout ce qu'on a traversé avec cette épidémie, ce confinement, et la notion d'enfermement en fait. Les problématiques ou les choses qui me mettent en colère, ou les injustices que je ressens, pour moi c'est un peu thérapeutique de les écrire. Il y a des chansons qui sont assez agressives dans les mots parce que c'est à la hauteur de la colère que je ressentais dans ces moments là. J'ai vraiment aimé tout ça parce que j'ai eu la confiance de tout le monde dans le groupe par rapport à la création. Ils m'ont laissée libre dans le choix des thèmes abordés. J'ai vraiment été soutenue par le groupe dans tout ce que j'ai proposé. C'était précieux pour moi et du coup je me suis éclatée à faire tout cela. Bien sûr il y a des thèmes relatifs à tout ce qu'on a traversé mais j'ai aussi été influencée par des images qui m'ont choquée comme par exemple l'incendie de Notre Dame qui sur la chanson "Eternité"  devient à la fois une allégorie autour d'un couple qui s'effondre mais effectivement dans le refrain on peut comprendre qu'il s'agit de Notre Dame si on l'écoute. Après chacun y mettra la signification qu'il veut derrière. Je fonctionne beaucoup aux émotions, que ce soit dans l'écriture ou en live, je suis très sensible et très réceptive à toutes les ondes qui sont autour.


François : Elle a réussi à s'adapter au groupe et à renouveler le genre parce que Didier, sans vouloir le nommer, avait abordé plein de sujets et on avait fait presque une centaine de chansons ensembles. Et arriver aujourd'hui en disant "ok je vais encore parler de nouvelles choses" en gardant le style du groupe, c'est pas évident. J'avais confiance en Carine, en ce qu'elle pouvait apporter et elle a réussi rapidement à trouver les mots, à les faire sonner à la "sauce Manigance"
Carine : J'avais une colère à exprimer et je l'ai chantée comme je la ressentais. Des fois c'est un peu brut et violent mais c'est l'énergie du moment.

Musicalement parlant aujourd'hui, est-ce que le groupe a des influences ?

François : Musicalement, je suis un peu sur des groupes comme IN FLAMES, assez modernes dans les riffs. On a changé un peu l'accordage des guitares, là on est passés un ton en dessous. Donc on est sur des groupes un peu plus métal moderne comme Amaranthe, INFLAMES, j'aime aussi beaucoup DGM qui est un groupe italien de prog.

Un groupe plus ancien déjà DGM (Ndlr groupe fondé en 1994) ?

François : Oui un groupe plus ancien mais aussi Beyond The Black. Des groupes qui finalement nous correspondent plus avec l'orientation. En général le batteur et le bassiste ils suivent plutôt ce que je compose. Le nouveau guitariste, Lionel, il plutôt métal un peu hardcore, et il a fait du funk aussi. Il apporte une autre touche.
J'ai beaucoup travaillé pour me renouveler au niveau des riffs. Lionel aussi il a apporté un gros travail notamment au niveau des solos. Ca a amené un nouveau souffle dans notre musique.
Carine : Et il a fallu palier l'absence de clavier avec des arrangements vocaux et aussi des arrangements de guitare. Je pense que c'est ce qui rend la musique plus dense sur cet album. C'est ce que je ressens comme évolution par rapport aux albums précédents.

Allez moment promo ! Vous avez une tournée de prévue ? Avec qui ? Un passage sur Paris prochainement si j'en crois mes sources ?

François : On commence par une release party les 18 et 19 mars à MOURENX (64) près de chez nous. On voulait vraiment faire quelque chose pour la sortie de l'album et chez nous c'est plus simple. Il y aura nos proches et bien sûr tous les fans qui le souhaitent.
Après on a un concert le 9 avril à BORDEAUX(33) à la salle LE SALEM. après on a un concert le 15 avril à l'Elysée Montmartre à PARIS; Après on sera à LYON au mois de septembre pour le ROCK N EAT. On est en train de discuter pour cette année à essayer de travailler avec DGM (power prog), on est aussi en pourparlers avec AMON SETHIS (power métal) pour faire des dates ensembles en FRANCE. Enfin, on a une tournée en 2023 avec RHAPSODY OF FIRE et NIGHTMARE pour faire le tour de FRANCE, ce sera en mars 2023.
Je dis aussi que c'est les 20 ans d'Ange ou Démon et du coup on réfléchi aussi à des choses !


Est-ce que vous avez le sentiment que la musique métal peine à trouver sa place dans la société française ? Par exemple il y a eu les victoires de la musique récemment et le rock, le métal, une nouvelle fois sont laissés de côté. Et puis, sauf si on s'appelle Metallica ou Scorpions, ça paraît compliqué de jouer dans une grande salle ?

François : Oui, ça c'est pas nouveau. C'est compliqué parce qu'on est un pays qui est plutôt sur une empreinte hispanique, du sud. Chez nous quand on va vouloir écouter de la musique qui met de l'ambiance, on ne va pas écouter du 4/4 mais plutôt des morceaux qui "chaloupent". Les allemands par exemple ils ont eu les américains après la guerre qui les ont influencés avec toute leur culture rock et plus on monte dans le nord du pays, le nord de la France, plus on ressens également cette influence.
Après oui, c'est compliqué au niveau des médias mais je ne vois pas de solution. Après ce qui est bien, ce sont tous les festivals qui se montent en France avec tous les bénévoles qui font leur vie et qui montrent qu'il y a beaucoup de gens qui ont envie de ça, d'aller en concert et peu importe les médias. La preuve un festival comme le HELLFEST, ce 'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres. Il y a quand même des groupes qui réussissent comme MASS HYSTERIA ou GOJIRA, et MASS HYSTERIA en français, c'est une belle réussite. Il faut juste espérer que les choses changent un jour.

Il y a une époque où les groupes français étaient plébiscités au JAPON, comme MANIGANCE d'ailleurs ! C'est toujours le cas aujourd'hui ?

François : Oui, c'est toujours le cas. On a notre label qui s'appelle Spiritual Beast qui est au JAPON qui bosse pour nous, pour nous faire la promo, qui reste très ancré sur le français et qui est très content du dernier album. D'ailleurs on leur a fait un petit cadeau, on leur a fait la chanson "Le Bal des Ombres" en japonnais et qui sera en bonus. On vient de leur envoyer aujourd'hui.

Entre vos débuts et aujourd'hui, l'industrie musicale a beaucoup évolué.  Quelle est votre position quand au streaming en tant qu'artistes ?

François : Le streaming aujourd'hui c'est certes compliqué par rapport aux ventes de disques néanmoins c'est le nouveau moyen médiatique de diffuser de la musique pour les jeunes et pour nous c'est un moyen de faire de la promotion intéressante. Ca permet d'exposer le groupe sur plein de plateformes, de médias, ce que tu ne pouvais pas faire dans les années 80. T'avais M6 Musique qui diffusait des clips mais où tu ne pouvais jamais passer et après t'avais ton disque dans les bacs. Aujourd'hui tu vends moins de disques mais tu as du streaming partout.
Après il y a plein d'autres choses qui ont changé dans l'industrie de la musique. Les concerts sont devenus super chers, les disques plus personne ne les achète ou les fans, les vinyles, toutes les usines ont balancé les machines  et maintenant il faut refabriquer du vinyle, qui aurait pu croire qu'on en serait là aujourd'hui. Il faut prendre le côté positif. C'est pas facile d'en vivre néanmoins il y a plein de façons de se faire connaître, ça c'est bien.
Carine : J'ajouterai que ça nous permet d'ouvrir une porte face à un public plus jeune. On remarque qu'il y a un public plutôt de notre génération, et il y a aussi les enfants de ceux-là qui s'intéressent à MANIGANCE. Ce qui est très agréable. Certes on n'est pas rémunérés de la même manière mais je trouve ça génial qu'on puisse toucher un public comme ça, de tous les âges.

C'est quoi le secret de votre longévité, c'est Michel Drucker qui demande pour un ami ?

François : Et bien tu vois, boire du perrier ! (rire général alors que Carine et moi-même trinquons à la bière). Le secret de la longévité c'est d'avoir l'envie et de croire à ce que tu fais. Après il faut faire attention à sa santé. On est pas mal à avoir plus de cinquante ans dans le groupe et quand tu pars en concert, il faut avoir une hygiène de vie qui te permet d'assurer le concert comme les mecs qui en ont trente.
Carine : Et moi je suis beaucoup plus jeune alors je ne m'exprime pas sur le sujet.


En conclusion, la question spéciale HEAVYLAW, vous trouvez une lampe magique avec un génie à l'intérieur qui vous exhausse trois vœux, lesquels seraient-ils ?


Carine : Euh on l'a pas anticipée celle-là (rires).
François : Quand je pense au groupe là comme ça, si j'avais un vœu ce serait qu'on puisse vraiment avoir une belle réussite et que chacun puisse être aussi heureux que tout ce qu'il a pu investir de son temps dans le groupe.
Après mon deuxième c'est que les copains, les amis, durent le plus longtemps possible, que la maladie nous fasse pas chier.
Carine : Pour le dernier je dirais que la cohésion, l'émulation et l'amitié qu'on partage dans le groupe perdure, qu'on y trouve tous un épanouissement. Ca rejoint un peu le premier voeu de François. Je nous souhaite beaucoup de lives, plein, pour rencontrer le public, pour partager la musique. La musique ça se partage, avec le public, avec d'autres musiciens, c'est pour ça qu'on a invité deux personnes sur "Haute Trahison", Julien qui chante avec moi et Florian qui fait un super solo.

Le mot de la fin ?

François : Un petit mot pour remercier notre maison de disques VERYCORDS qui nous a fait confiance pour l'album malgré tous les changements de line-up.

MANIGANCE official website
Manigance Official Website
0 Comments 24 février 2022
Dream

Dream

Read more posts by this author.

  Paris, France
Comments powered by Disqus